La Spezia, 13/14 avril 1943

Dans le ciel de Camaret

Après l'attaque, le Flying Officer Harvey obliqua au sud-est pour se rapprocher de la côte à la recherche d'autres objectifs. Plusieurs bateaux abrités derrière une langue de terre étaient visibles sur le travers gauche. Les avions passaient alors devant la pointe de Dinan et Harvey les emmena dans un virage à 270° par le côté de la mer. Cette manœuvre allait conduire le Roadstead 57 vers les navires sans trop l'exposer aux tirs de Flak venus des terres[1]. Cap au nord-est, soleil dans le dos, les quatre Whirlwind et leur escorte abordèrent plein gaz les rochers de la pointe de Penhir, faisant baisser la tête aux soldats du Fluwa installé là. La ville de Camaret défila en un instant. Trois chalutiers armés mouillaient au-delà de la jetée du port. Des lueurs vives dans les superstructures indiquaient que leurs canons antiaériens étaient entrés en action et les pilotes virent quelques chapelets brillants monter vers eux. Harvey avait sélectionné un chalutier de 500 tonneaux ancré face au nord. Le prenant de flanc, il lâcha une rafale de 60 obus[2]. Des geysers d'écume et des éclatements encadrèrent le centre du bateau, puis tout disparut sous le ventre du Whirlwind.

La presqu'île de Crozon

Cet autre emprunt à la carte G.S.G.S. 2738 localise les engagements aéro-maritimes du Roadstead 57 : devant Saint-Mathieu, Camaret et au-dessus de la presqu'île de Crozon. L'ensemble du secteur dispose d'une Flak conséquente qui protège le port de Brest et sa base sous-marine, l'aérodrome de Brest-Guipavas (Brest-Nord) utilisé par les chasseurs de la 8./J.G. 2 et les installations de Lanvéoc-Poulmic (Brest-Lanvéoc ou Brest-Süd et Brest-Poulmic) où stationnent des avions de reconnaissance maritime et des hydravions de la Luftwaffe.

Pendant ce temps (on était aux environs de 16h15), Rouge 2, Jaune 1 et Jaune 2 s'alignaient sur un autre chalutier armé estimé à 800 tonneaux. Il était orienté à l'est et les trois appareils l'approchèrent par son quart tribord arrière. Premier sur l'objectif, le Sergeant Thyagarajan (Rouge 2) tira 40 obus sur le navire dont la silhouette se brouilla au milieu des gerbes d'eau et des impacts. Le Pilot Officer Abrams (Jaune 1) venait juste derrière. Il arrosa sa cible de 60 obus et largua les deux bombes qui lui restaient. Le troisième Whirlwind était celui du Sergeant Simpson (Jaune 2) qui cracha une nouvelle bordée de 60 obus. L'explosion des bombes lancées par Jaune 1 ne fut pas observée. A peine reformé, le dispositif britannique commença à subir la puissante DCA qui barrait la direction de Brest. Le jeu n'en valait plus la chandelle et Harvey fit effectuer un virage à droite pour retrouver la pleine mer et prendre le chemin du retour.

Au moment où le 263 amorçait son attaque sur l'anse de Camaret, les Fw 190 de la 8./J.G. 2 surgirent à basse altitude de l'autre côté de la rade. Les artilleurs de Flak étaient en alerte et les bruits de combat qui venaient du sud-ouest les rendaient nerveux. Plusieurs navires ouvrirent instantanément le feu. Avant qu'on puisse faire cesser les tirs, un chasseur allemand codé "8 Noir"[3] fut touché et se mit à brûler. Le Feldwebel Rudolf Eisele aux commandes de cet appareil était un aviateur de 22 ou 23 ans, titulaire déjà de 8 victoires aériennes. Il largua sa verrière et évacua son cockpit d'une hauteur de 100 m. C'était hélas trop bas : l'infortuné pilote percuta l'eau avec un parachute incomplètement ouvert. Un rapport de la Luftwaffe précisa plus tard que Rudolf Eisele avait péri dans le port de Brest à 16h14.

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[1] Le rapport du 263 mentionne une DCA lourde "modérée et peu précise" active sur toute la côte.

[2] Une seconde et demie.

[3] Fw 190 A-5 W.Nr. 2634 ou 2643.