La Spezia, 13/14 avril 1943

Avro Lancaster, avril 1943

Lancaster du No. 57 Sqdn., février 1943

Scampton, février 1943, le No. 57 Sqdn. a rassemblé ses Lancaster en vue de l'opération de la nuit. Le soleil a disparu et les équipages sont en train d'arriver au pied des avions [photo IWM CH 8785].

La base de Scampton dépend du No. 5 Group ; elle est une des dernières du Bomber Command à ne pas disposer de pistes "en dur". Le 14 avril, le No. 57 Sqdn. engage quatre Lancaster sur cinq prévus et trois d'entre eux bombardent Stuttgart, le quatrième faisant demi-tour avec son navigateur malade. Depuis le 21 mars, Scampton abrite également le No. 617 Sqdn., encore non opérationnel, qui prépare le fameux raid sur les barrages de la Ruhr (16/17 mai 1943).

La perle du Bomber Command est l'Avro Lancaster dont les premiers exemplaires de série sont livrés à la fin de 1941. Au printemps 1943, le Lancaster se décline en trois versions :

  • Mk. I propulsé par quatre moteurs en ligne Rolls-Royce Merlin XX,
  • Mk. II doté de Bristol Hercules VI en étoile[1] et
  • Mk. III avec des Merlin 28 semblables aux Merlin XX, mais fabriqués sous licence par Packard aux Etats-Unis.

Les Lancaster I et III cohabitent au sein de 17 escadrons des Nos. 1, 5 et 8 Groups, alors que le Mk. II, un peu moins performant, sert le seul No. 115 Squadron du No. 3 Group. La supériorité des Mks. I et III sur les autres modèles de bombardiers britanniques transparaît au travers de quelques chiffres. L'appareil atteint 450 km/h à la puissance de combat, 400 km/h en croisière rapide et 340 km/h en croisière économique ; il grimpe aisément à 6100 m (20 000 pieds) et sa soute peut contenir 6350 kg (14 000 livres) de bombes, y compris les plus grosses dont dispose la R.A.F. Surtout, le Lancaster conserve de bonnes qualités de vol à son plafond opérationnel[2] et sa capacité de charge est phénoménale : au poids maximal de 28,6 t (63 000 livres), il emporte 4100 kg (9000 livres) de bombes sur 2670 km[3]. Les Mks. I et III des Nos. 1 et 5 Groups s'envolent ainsi vers Stuttgart avec de l'essence pour les 1975 à 2165 km du trajet et, selon le cas, (1) une bombe de 8000 livres, (2) une bombe de 4000 livres et 5 de 1000 livres, (3) une bombe de 4000 livres et des incendiaires ou (4) 8 bombes de 1000 livres[4].

Les Lancaster II commencent à sortir de l'usine Armstrong Whitworth à la fin 1942 et équipent initialement un flight du No. 61 Squadron. Les premières opérations à partir du 11/12 janvier sont peu réussies, mais l'appareil se révèle une excellente machine sitôt que ses défauts de jeunesse sont éliminés. Après ces préliminaires, le Bomber Command attribue les Mk. II au No. 3 Group, qui a l'expérience des moteurs Hercules. Les nouveaux bombardiers parviennent alors au No. 115 Squadron d'East Wretham, dont les équipages abandonnent sans regret leurs Wellington III. L'escadron est déclaré opérationnel le 15 mars 1943 ; il reprend le combat sur Lancaster dans la nuit du 20/21.

D'abord affecté au No. 61 Sqdn. où il porte le code QR-W, le DS604 (4e Lancaster II de série) est transféré au 115 le 19 février 1943. Il y est recodé KO-B et aura le douteux privilège d'être le deuxième Mk. II perdu à l'ennemi, au cours du raid contre Francfort le 10/11 avril (sa 5e opération, dont deux avec le No. 61 Sqdn.). [Photo IWM ATP 12118C.]

Lancaster II DS604 QR-W, début 1943

Identique pour les trois versions, la défense des Lancaster est assurée par une tourelle arrière quadruple F.N.20 ou F.N.120, une F.N.50 double sur le dos et une F.N.5 double dans le nez, soit 8 mitrailleuses légères Browning de .303 pouce (7,7 mm). La faiblesse de cet armement[5] a été maintes fois discutée, de même que l'absence de tourelle ventrale sur les bombardiers lourds de la R.A.F., les chasseurs de nuit attaquant de préférence du dessous. Deux points méritent cependant d'être soulignés. Alors que la nuit restreint déjà la visibilité à quelques centaines de mètres, la vision dans la direction de la terre se réduit plus encore lors du survol nocturne d'un territoire soumis au blackout. Silhouette noire sur un fond sombre, un avion venant d'en bas est presque indétectable, sauf s'il se détache sur une couche de nuage éclairée par la lune. A l'inverse, un quadrimoteur se distingue généralement très bien du dessous par contraste avec la luminosité naturelle du ciel. En second lieu, les faibles pertes de la Nachtjagd attestent du peu d'efficacité des armes défensives des appareils du Bomber Command[6], alors même que les adversaires se mitraillent souvent à bout portant (50-100 m). Dans la pratique, un bombardier n'a de réelles chances d'échapper à un chasseur de nuit que s'il déclenche une manœuvre évasive avant que son assaillant puisse ouvrir le feu. Le rôle essentiel des mitrailleurs est ainsi de signaler l'approche d'un ennemi ; riposter à son tir est de moindre importance et on peut arguer que des quadrimoteurs désarmés, plus légers et rapides, n'auraient pas été plus faciles à abattre de nuit. Quoiqu'il en soit, les performances en altitude du Lancaster en font un appareil moins vulnérable à la Flak et à la chasse de nuit. En particulier, dans l'espace limité d'une Nachtjagdgebiet[7], un Bf 110 positionné à 4500 m pour intercepter les Halifax, Stirling ou Wellington, peinera à rejoindre un Lancaster croisant à 400 km/h, 1500 m plus haut.

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[1] Les tous premiers Lancaster II/Hercules XVI sortent précisément d'usine à cette période.

[2] Très sommairement, plus un avion peut voler haut, plus il va vite et moins il consomme.

[3] Moyennant quelques modifications, le poids maximal autorisé du Lancaster au décollage passera bientôt de 63 à 65 000 livres, puis à 68 000 livres vers la fin de la guerre.

[4] Certaines des bombes de 1000 livres sont équipées d'une fusée à retard qui les fera exploser plusieurs heures après le bombardement.

[5] Par comparaison, les B-17 et B-24 des U.S. Army Air Forces s'hérissent a minima de 10 mitrailleuses lourdes Browning .50 (12,7 mm). Notons également que certains appareils français de 1940 employaient des canons de 20 mm sur affût mobile.

[6] Cela s'applique tout autant aux bombardiers allemands confrontés aux chasseurs de nuit britanniques.

[7] Zone de chasse de nuit de la Luftwaffe.