La Spezia, 13/14 avril 1943

Handley Page Halifax, avril 1943

Halifax II Series 1 W7676 TL-P, mai 1942

Vu ci-dessus en mai 1942 [collection JT], le Halifax II Series 1 W7676 35-P affiche ses nombreux appendices, en particulier les trois tourelles de mitrailleuses, la bulle d'observation à gauche du nez et les pipes de vidange rapide des réservoirs sous les bords de fuite des ailes. Piloté ici par le F/Lt. 'Reg' Lane de la R.C.A.F. et immortalisé par Charles E. Brown, le W7676 ne rentrera pas d'un raid sur Nuremberg le 28/29 août 1942[1].

En avril 1943, le S/L. R. J. Lane, D.F.C., commande le 'C' Flight du No. 35 Sqdn. et, dans la nuit du 14 au 15, il emmène vers Stuttgart le Halifax 35-O, un des 17 Y-Aircraft engagés. Son H2S hors service, l'équipage largue deux bombes de 1000 livres sur l'objectif à 0h55, puis rentre avec les T.I. rouges et une partie des éclairantes.

Halifax II Series 1 (Special) BB324 ZA-X, juin 1943

Ce profil gauche du Halifax II Series 1 (Special) BB324 met en lumière l'absence de tourelle dorsale, le carénage qui couvre l'emplacement de la tourelle avant et la cellule plus "lisse". Entre la cocarde de fuselage et le "X", on discerne la bulle ventrale qui doit permettre à un des mitrailleurs de prévenir des menaces venues du bas. L'antenne apparente sous la tourelle de queue dénote le montage du radar de détection arrière Monica utilisé à partir de juin 1943. [Photo via le forum PPRuNe.]

Deuxième bombardier quadrimoteur britannique, le Handley Page Halifax vit une mauvaise passe. L'avion a entamé sa carrière au No. 35 Squadron en novembre 1940 (Halifax I) et les versions opérationnelles de 1943 sont les Halifax II et V, qui se distinguent par un atterrisseur et un système hydraulique Messier pour le premier, l'équivalent de chez Dowty pour le second. Le Mk. V commence timidement à participer aux attaques du Bomber Command en avril avec un appareil sur Duisbourg le 8/9[2] et seuls des Halifax II sont engagés contre Stuttgart.

Le Halifax II du tout début 1943 (Halifax II Series 1) est équipé de quatre moteurs en ligne Rolls-Royce Merlin XX de 1480 h.p. (1501 ch ou 1104 kW) et trois tourelles électro-hydrauliques Boulton Paul : une Type E quadruple dans la queue, une volumineuse Type C double sur le dos et une autre Type C à l'avant ; ses dérives sont de forme triangulaire. Les performances paraissent convenables sur le papier, mais la réalité est moins rose avec une vitesse maximale de 425 km/h qui tombe à 400 km/h pour une machine un peu usagée, lestée de tous les équipements qu'on tend à lui ajouter. S'il est crédité d'un plafond pratique supérieur à 6400 m, l'appareil vole en opération à environ 330 km/h[3] entre 4600 et 5500 m (15-18 000 pieds). De fait, le Halifax II oblige à choisir entre des performances en altitude et une charge utile bombes/essence conséquente. Plus grave, l'avion n'est pas sans vice et un violent coup de palonnier conduit parfois à bloquer les gouvernes de direction en butée, engageant le quadrimoteur dans un piqué en spirale dont il est difficile de sortir. Les rapports officiels ne disent rien de la réaction des pilotes à qui un instructeur déconseille les manœuvres évasives brutales sous peine de perdre leurs empennages!

Alors qu'allait s'ouvrir la bataille de la Ruhr, Handley Page et le Ministry of Aircraft Production ont d'abord "nettoyé" la cellule du modèle en service. On a ainsi déposé divers équipements, dont la tourelle avant, remplacée par un carénage baptisé "nez Z", et la tourelle dorsale. Début mars 1943, tous les Halifax de première ligne du Bomber Command ont été mis au nouveau standard désigné Halifax II Series 1 (Special) ou Halifax IIZ. Bien que dépourvus de tourelle supérieure, ils embarquent toujours sept hommes d'équipage, le deuxième mitrailleur surveillant le dessous de l'appareil depuis une bulle de plexiglas aménagée sous le ventre. Dans le même temps, l'usine Handley Page de Radlett a commencé à livrer des Halifax II Series 1A caractérisés par un nez vitré et une tourelle dorsale quadruple Boulton Paul Type A beaucoup plus compacte que la Type C. Le No. 158 Squadron en est maintenant complètement équipé[4] et les a utilisés pour la première fois le 22/23 mars sur Saint-Nazaire. Au soir du 14 avril, ce sont 112 Halifax IIZ et 23 Mk. II Series 1A qui s'envolent pour Stuttgart ; beaucoup ont reçu des moteurs Merlin 22 générant plus de puissance au décollage. Pour un poids maximal autorisé de 27,2 t, ils emportent jusqu'à 2700 kg de bombes et un plein d'essence (8556 l) qui leur permettra de franchir les 2165-2320 km du trajet aller-retour[5].

Quelques semaines après l'attaque de Stuttgart, les Halifax IIZ reçoivent également une tourelle dorsale quadruple Type A, mais son anneau ayant un diamètre supérieur à la tourelle bitube originale, elle doit être surélevée, ce qui n'améliore pas la finesse aérodynamique de l'avion. Pendant encore plusieurs mois, les Mk. II, toutes configurations confondues, resteront les mal-aimés du Bomber Command, Harris réclamant avec insistance qu'ils soient remplacés par des Lancaster. Il faudra attendre la fin 1943 et l'introduction de nouvelles dérives rectangulaires qui résolvent le défaut d'empennage, puis la mise en service du Mk. III remotorisé avec des Hercules XVI, pour que le Halifax donne enfin sa pleine mesure.

Halifax II Series 1A HR861, mai 1943

Si le Mk. II Series 1 (Special) – ou Mk. IIZ – résulte avant tout d'une conversion des machines en service, Handley Page revoit plus en profondeur sa copie et développe le Mk. II Series 1A. Les exemplaires commencent à être livrés aux escadrons en mars 1943 et le HR861, photographié en mai à sa sortie d'usine, fait partie des premiers lots de production[6] [IWM E(MOS) 1111].

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[1] Incidemment, cette opération constitue le premier vrai succès de la Pathfinder Force formée plus tôt dans le mois.

[2] Son train d'atterrissage présentant certaines fragilités, le Halifax V sera finalement relégué à l'entraînement opérationnel, à la lutte anti-sous-marine et au transport des troupes aéroportées.

[3] Il s'agit de la vitesse de croisière économique. Le Halifax peut voler en continu à 350 km/h, mais au prix d'une consommation d'essence accrue, donc d'une charge de bombes réduite.

[4] D'autres unités du No. 4 Group en possèdent également quelques exemplaires.

[5] Depuis les bases des Nos. 4 et 6 Groups (1345-1442 miles).

[6] Le HR861 sera équipé d'un radar H2S avant de rejoindre le No. 35 Sqdn. de la P.F.F. à la mi-juin et d'être abattu lors d'une opération sur Nuremberg le 10/11 août 1943.